Impossible de savoir comment se déroulent les affrontements sur le terrain entre l’armée azérie et les combattants de l’Artzakh, ce territoire arménien « de l’au-delà des monts », enclavé dans le territoire de l’Azerbaidjan lors des découpages effectués par Staline du temps de l’Union Soviétique, et alors baptisé « Nagorno-Karabakh » par l’URSS, ce qui est devenu son nom officiel dans les traités internationaux. Mais on imagine que le camp arménien est en grand danger, et que seule une puissante campagne de soutien international pourrait lui permettre de résister, militairement et moralement, face à l’énorme armada qui a déclenché l’offensive en vue de son annexion par la force à l’Azerbaïdjan.
Difficile d’y voir clair dans le déroulement des combats, sinon que l’on connaît la disproportion du rapport des forces entre l’armée de l’Azerbaïdjan, dix millions d’habitants, gorgé de revenus pétroliers, armé par les Turcs et les Israéliens et agissant sous couvert direct du « sultan turc » Erdogan, et le petit ex-oblast (district) du Nagorno Karabakh, 150.000 habitants arméniens, même appuyés par l’armée de l’Arménie voisine (trois millions d’habitants noyés dans un océan turcophone qui va d’Istanbul à la Chine en englobant Turquie, Azerbaïdjan et Turkménistan, 100 millions d’habitants au total).
Les Arméniens sont déjà marqués au fer rouge par leur Histoire tragique face à l’empire ottoman qui est responsable du génocide de 1915. Puis le vingtième siècle a été celui de la domination soviétique, Arménie et Azerbaïdjan étant deux des Républiques de l’ex-URSS (Union des Républiques Soviétiques Socialistes), jusqu’à son effondrement fin 1991. Les Arméniens de « l’oblast/district » du Nagorno Karabakh, ont alors voulu quitter le giron de l’Azerbaïdjan, à la culture turcophone qui leur est totalement étrangère, et se sont rapprochés de l’Arménie, pays voisin de même culture. Leur soulèvement a débouché sur une guerre, puis, après la défaite des troupes azéries, sur la proclamation d’indépendance par referendum du Nagorno Karabakh.
Depuis trente ans, le pouvoir de Bakou rêvait d’une revanche. Il vient de lancer une offensive militaire de grande ampleur pour reprendre le contrôle d’un territoire et d’une population qui n’a rien à voir avec l’Azerbaïdjan, si ce n’est un partage territorial arbitraire hérité de la dictature stalinienne. Régulièrement des escarmouches étaient déclenchées par l’armée azérie pour maintenir une insécurité latente dans la petite république arménienne. Privée de liens avec l’extérieur (l’aéroport de Stepanakert, flambant neuf, n’a jamais pu ouvrir en raison de l’insécurité entretenue par Bakou), la République du Nagorno Karabach a réussi cependant à faire vivre une démocratie véritable, la plus avancée de cette partie du monde, et elle a bénéficié de la solidarité de l’immense diaspora arménienne pour maintenir son économie à flot malgré son isolement.
Pour les Arméniens du Nagorno Karabakh, cette offensive azérie est celle de la « solution finale », celle qui vise à faire disparaître leur culture d’un territoire qui en est imprégné depuis la nuit des temps. Dans leurs montagnes adossées à la chaîne du Petit Caucase, ils peuvent résister, et très certainement ils s’y préparent activement, avec l’aide de l’Arménie voisine qui craint que la guerre lancée au Nagorno Karabakh ne soit que le début d’un processus qui vise à faire disparaître le peuple arménien au profit d’un « empire ottoman » dominé par la Turquie.
La solidarité avec le peuple arménien doit devenir une grande cause internationale, pour obtenir que des sanctions économiques et diplomatiques très fortes soient décidées jusqu’à imposer un cessez-le-feu. Il faut condamner cette agression du Nagorno-Karabakh, et faire rempart contre les manœuvres militaires et politiques dont la Turquie tire les ficelles. Il en va de la Paix dans cette partie du monde. •